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Histoire - Machinois illustres

Jean-Baptiste Machecourt - 1803-1865. Inventeur du parachute des Mines

Jean-Baptiste Machecourt est né le 6 septembre 1803 à La Machine. Son père était chef-mineur. Ses parents habitaient dans une maison basse, au fond d'une cour, à gauche de la route principale qui porte maintenant le nom d'avenue J.-B.-Machecourt, et à l'embranchement de la rue Jean Jaurès. Cette maison qui devait être en ce temps-là couverte en chaume, est maintenant occupée, après agrandissement, par un grand bazar-librairie.

L'enfant fit ses premières études chez les Frères des Ecoles Chrétiennes, qui avaient le monopole de l'éducation des enfants privilégiés. Très intelligent, il était avide de s'instruire. Mais, dès son jeune âge, il s'intéressait vivement aux divers travaux miniers et allait avec son père visiter les chantiers d'extraction.

Par ses études, son labeur précoce, il fut remarqué par le Directeur des Houillères, qui l'aida à préparer l'entrée à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Quelques années plus tard, il en sortait ingénieur breveté. Il revint à La Machine. Après avoir secondé son père, il prit la direction de l'exploitation souterraine. Quand celui-ci mourut, il le remplaçat à la Mairie.

Au cours d'une inspection au puits Henri, il assista impuissant et bouleversé, à un terrible accident causé par la rupture soudaine d'un câble soutenant une cage pendant la descente et la remontée de deux postes du personnel du fond. Plusieurs ouvriers eurent ainsi une mort atroce. Il eut longtemps dans les oreilles les hurlements des mineurs joints au fracas de la cage tombant comme une pierre dans le trou béant.

De ce jour, J.-B. Machecourt réfléchit, dessina plusieurs projets et finalement inventa un appareil permettant l'arrêt immédiat de la cage après la rupture d'un câble.

Le parachute Machecourt

En janvier 1845 eut lieu le premier essai du parachute des mines. Malgré son mécanisme rudimentaire, il donna toute satisfaction. Ce premier parachute se composait simplement de deux leviers — genre ressorts de voiture — tendus et boulonnés sur de fortes lames de fer en ciseaux et qui étaient mobiles autour d'un axe fixé solidement au sommet de la cage. Le poids de cette cage tenait ces lames écartées. Si le câble cessait de la soutenir, les leviers se détendaient, les lames de fer reprenaient une position horizontale et leurs deux extrémités dentelées s'enfonçaient dans les grosses armatures en chêne qui servent à guider les deux cages le long des parois du puits d'extraction.

Dirigeant pendant près de quarante années les travaux des Houillèrs de La Machine, J.-B. Machecourt consacra tous ses instants à améliorer les conditions de travail des ouvriers mineurs. Il fut le premier à faire remplacer, dans les galeries de la mine, les traîneaux transportant le charbon, par des chariots roulant sur des rails, d'abord en bois, puis en fer. Il inventa un grand filet avec sangles qui enveloppait complètement les chevaux et les ânes afin de permetttre leur descente dans la mine. Il eut l'idée d'estacades et de culbuteurs qui permettaient de décharger d'un seul coup les bennes de charbon sorties de la cage. Il était constamment à la recherche d'outillages qui amélioraient le pénible et malsain travail souterrain. Il fit continuer l'entretien des puits désaffectés, afin d'établir des courants d'air qui atténueraient la chaleur atroce régnant dans le réseau des galeries de la mine.

J.-B. Machecourt n'avait pas voulu prendre de brevet pour l'invention de son parachute. Il disait que d'autres chercheurs amélioreraient ainsi sa découverte. Pour lui, la sécurité des travailleurs seule comptait. D'ailleurs, lui-même modifia le mécanisme de son parachute dont il avait aperçu à l'usage plusieurs inconvénients.

C'est pourquoi, dans les Houillères de Nord de la France, il est admis que l'invention du parachute des Mines serait due à Pierre-Joseph Fontaine, d'abord simple ouvrier, puis chef d'atelier aux Mines d'Anzin. Ce chercheur, qui n'est pas certes sans mérite, avait eu connaissance du parachute Machecourt. Il remplaça les ressorts de voiture par des ressorts à boudins et prit aussitôt un brevet à son nom, en octobre 1849. Son système fut appliqué aux mines d'Anzin en 1851. En 1892, une statue lui fut élevée sur une place de cette ville. Sur un socle, une inscription indique qu'il est l'inventeur du parachute des mines.

Mais les faits sont là, datés : J.-B. Machecourt essaya son parachute en 1845. P.-J. Fontaine essaya le sien en 1851.
D'ailleurs, l'invention de Jean-Baptiste Machecourt amena à cette époque toute une floraison de parachutes munis de différents mécanismes. Celui de Joncquet, celui de Demeyer-Dartois en 1847 et celui de Buttgenbach essayé dans les Charbonnages de Serraing, près de Liège, en 1848.

L'ingénieur Machecourt menait une vie simple. Il était souvent vêtu comme ses ouvriers, avec une blouse bleue et une casquette grise. Grand, bâti en force, il avait le visage coloré, avec un collier de barbe, qui était à la mode de cette époque. Il resta toute sa vie célibataire, peut-être par vocation, mais sa famille comprenait tous les travailleurs des mines de son pays.

Dans l'éphéméride de l'Almanach de la Nièvre de l'année 1865, il est dit : 
« 13 octobre 1864. — Grâce à l'heureuse invention due à M. Machecourt, ingénieur retraité des mines, onze mineurs échappent à une mort certaine ; malgré la rupture d'une maille du câble en fer, au moment où le cadre qui les contenait atteignait l'orifice supérieur du puits, ils en furent quittes pour une légère secousse »

L'année suivante, J.-B. Machecourt, maire de La Machine depuis 1848 et âgé de 62 ans, quittait, après une courte maladie, ses compatriotes attristés.
Il n'avait jamais été un homme d'argent. Aussi, il s'en alla dans une décente pauvreté, ayant tout donné de son vivant. Chaque famille de mineurs fut en deuil comme si chacun avait perdu un des siens. Il eut des funérailles émouvantes à la mesure de son total dévouement. Une souscription permit de lui édifier une sépulture remarquable.

La tombe de J.B. Machecourt est dans le vieux cimetière La Machine. Sur le monument surmonté d'une pierre en forme d'obélisque, il est gravé ces mots :
« A la mémoire de J.-B. Machecourt, né à La Machine en 1803, mort en 1865, ingénieur des Mines, inventeur du parachute, ses ouvriers reconnaissants et ses amis ont élevé ce monument »
Le Larousse en six volumes ignore totalement le nom de ce modeste ingénieur dont l'invention, qui fut améliorée, sauva des milliers d'ouvriers travaillant dans toutes les mines éparses dans le vaste monde.
Par contre, dans ce même Larousse, au mot : Parachute (Mines), il est dit : « Les divers systèmes de parachutes employés peuvent se ramener à deux types : le parachute Fontaine et le parachute à excentriques (...) »

En 1853, Elisha Graves OTIS, soit huit ans après l'invention du parachute Machecourt et quatre ans après de celui de M. Fontaine (avec un dépôt de brevet à son nom en 1849) créa son système parachute et le présenta en 1854 au "Crystal Palace Exposition" à New York. Son système avait beaucoup de similitude avec les parachutes de Machecourt et Fontaine.

L'antériorité du parachute Machecourt sur celui de Fontaine fut reconnue par l'Académie des Sciences en 1854 et un prix fut décerné à l'ingénieur de La Machine.


Jules Pravieux - 1866-1926

Jules Pravieux est né à La Machine le 21 octobre 1866. Son enfance s'écoula au pays, chez ses parents. Mais il était plus souvent au presbytère, chez son oncle, l'abbé Victor Pravieux, alors curé de La Machine, que dans la maison familiale.

L'abbé Pravieux avait été de longues années professeur de Philosophie au grand Séminaire de Nevers. Après avoir été curé de La Machine de 1848 à 1870, il fut nommé curé-doyen de Prémery.
Le jeune Pravieux suivit son oncle dans cette ville. Ce curé lettré et bienveillant eut une grande influence sur son neveu, qui pourtant était très jeune. Celui-ci regardait avec une inlassable curiosité tous les vicaires, chanoines, curés et parfois de hauts Prélats qui venaient voir son oncle au presbytère.

C'est d'ailleurs parmi ces différents types d'ecclésiastiques, que plus tard, quand il se passionnera pour les Lettres, il choisira les héros de ses nombreux romans.
Mais l'élève Pravieux dut quitter le pays afin de poursuivre ses études et l'Institution Saint-Cyr de Nevers le reçut comme pensionnaire. Intelligent, il fut aussi un élève ponctuel et studieux. Il gravit toutes les classes jusqu'à la première où, parmi ses professeurs, il eut une vive admiration pour un professeur de Rhétorique, l'abbé Chatelain. Il alla ensuite faire sa Philosophie au Grand Séminaire d'Issy-les-Moulineaux, près de Paris. Il y eut des professeurs éminents, dont M. de Foville, sorti Major d'une promotion de l'Ecole Polytechnique et qui entra dans les Ordres quelques années après.

Parmi les nombreux séminaristes, il connut intimement le jeune Loutil, qui devait plus tard devenir un grand écrivain sous le pseudonyme de Pierre l'Ermite.
Après avoir acquis son parchemin de bachelier, il partit faire son service militaire et fut affecté à Dijon.

Un vieux célibataire par Jules Pravieux

Sans doute, Jules Pravieux qui avait passé sa jeunesse et adolescence dans les milieux ecclésiastiques se destinait-il au sacerdoce ? Mais, après son séjour au régiment, tout en restant profondément croyant, eut-il des doutes sur sa vocation religieuse ? Peut-être aussi rencontra-t-il pendant son service celle qui devait devenir sa femme et qui était née et résidait à Dijon ?
Toujours est-il qu'on le retrouve étudiant à la Faculté de Droit de Paris. Ayant acquis facilement ses certificats de Licence, il se fit inscire au Barreau où il devint jeune avocat stagiaire à la Cour d'Appel de Paris. Il connut toutes les vicissitudes des avocats débutants. Il fut nommé d'office pour des causes perdues d'avance, défendit des individus douteux et tarés. Lui, qui était franc, honnête, il côtoya des drames sordides, des détresses effroyables. Il n'était pas fait pour vivre dans un semblable milieu où toute l'écume de la vie vient déferler sans cesse.

Pour se détendre entre deux causes, il s'était mis à écrire, choisissant principalement comme trame de ses récits, certains prêtres qui fréquentaient son oncle, l'abbé Pravieux.
Puis il se marie et vient habiter dans le pays de ses beaux- parents, Saint-Sauveur-en-Puisaye. Les Editions Plon-Nourrit font paraître son premier roman, « L'ami des jeunes », où il décrit avec talent certaines scènes de la vie cléricale. Oeuvre pleine de promesses qui eut les honneurs d'une critique bienveillante.
Ce fut ensuite une série de romans et de nouvelles intercalés de nombreuses conférences. Car, ayant acquis pendant son stage d'avocat une certaine aisance de parole, il était devenu un brillant conférencier. Dans les réceptions, Jules Pravieux charmait l'auditoire par des causeries éblouissantes.

Tous ces gens d'église, dont il a fait les acteurs de son oeuvre littéraire, sont des hommes comme les autres qui essaient de toute leur âme d'exercer le sacerdoce qu'ils ont librement choisi, avec bonté, simplicité et abnégation, mais qui tout en restant dans la note religieuse, sont presque tous des beaux esprits qui regardent tous les faits de la vie avec une certaine pointe de causticité.
L'heureux ménage avait eu la venue d'une charmante fillette, appelée Bernadette. 

Mais, depuis un certain temps la santé de Jules Pravieux devenait déficiente. Il était parfois obligé de prendre du repos et même de garder la chambre. Elégant, svelte, il n'avait jamais été robuste.
Les médecins qui le soignent sont tous déroutés par ce mal qui semble le ronger. Il sera d'abord soigné pour ses nerfs, ensuite pour son estomac, puis pour ses poumons, et enfin pour son coeur.
D'éminents professeurs consultés voient leur patient selon la maladie dont ils sont spécialistes et lui ordonnent divers traitements et de nombreux remèdes qui lui apportent parfois un soulagement passager. Il va avec sa femme et sa fille dans différents établissements recommandés. Il passe souvent les hivers sur la Côte-d'Azur, à Menton surtout.

Malgré ce mal mystérieux qui l'affaiblit, il continue à écrire et à faire des conférences, car il faut bien faire vivre sa famille. Il entre à la Société des Gens de Lettres en juillet 1926.
Sa dernière conférence fut faite devant un auditoire attentif et charmé à Joigny (Yonne), en juillet 1926.
Sentant son mal s'aggraver soudain, l'oedème étant survenu sur tout son corps, il demanda à revenir dans son pays natal. Son frère Abel, qui est pharmacien à La Machine, le reçoit avec bonté et tristesse.

Malgré des soins attentifs et dévoués, il quitte les siens à jamais. C'était le 23 octobre 1926, Jules Pravicux venait d'avoir 60 ans. 
Si Pravieux a voulu quitter ce monde dans le pays qui l'avait vu naître, c'est le cimetière de Saint-Sauveur-en-Puisaye, qui le reçoit le 27 octobre 1926.
Pourtant sa mère, ses deux frères, Victor et Abel et son oncle, le curé Victor Pravieux, décédé en 1874, reposent dans trois tombes qui se touchent, au vieux cimetière de La Machine.
Certainement, sa femme, née Agathe Boulier, a voulu qu'il soit enterré dans le pays de sa famille, avec l'idée d'être auprès de son cher mari un jour...

Biographie des oeuvres de Jules Pravieux :

    1897 - L'ami des jeunes
    1899 - Monsieur l'Aumonier
    1901 - Un Vieux célibataire
    1903 - Oh les hommes - Journal d'une Viello Fille
    1905 - Séparons nous - Journal de l'abbé Blondot
    1906 - Au Presbytère
    1908 - Mon mari
    1911 - Le nouveau Docteur
    1919 - S'ils connaissaient leur bonheur
    1921 - Leur oncle
    1923 - Le vicaire et le romancier
    ?    - Ce qu'elles font d'un homme

Quelques brochures :

1906 - Le Rêve Socialiste    Nevers, Imprimerie Vallière
1912 - Sans lumière Paris, Lethielleux
1912 - A quoi servent les Missionnaires
Et un nombre très important de causeries et de conférences faites à Lausanne, Menton, Biarritz, Vichy, Nice, Nevers, Bourges, etc.
Marie Pravieux, son épouse, a fait paraître en 1932 un livre sur Pravieux intitulé :
Humblement In Memoriam — Auxerre, Imprimerie Moderne

Alphonse Bourgoin — Jules Pravieux Nivernais-Morvan


Louis-Mathieu Poussereau - 1855-1931

L.-M. Poussereau n'est pas né à La Machine. Cependant, sans hésiter un seul instant, je l'inscris dans cette monographie, parce qu'il a vécu presque toute sa vie au pays et qu'il a tenu expressément à être enterré au vieux cimetière, à côté de sa chère femme.
Louis-Mathieu Poussereau est né à Biches (Nièvre , près de Châtillon-en-Bazois), le 21 septembre 1855. Son père était brigadier forestier. Le jeune enfant fut élevé à Vincence puis à Buremont, maison isolée, située en pleine forêt, à trois kilomètres de Montaron et à une lieue du hameau de Creulle. C'est dans ce hameau que se trouvait la vieille maison en torchis qui servait d'école, où le jeune Louis-Mathieu, âgé déjà de huit ans, commença ses études.

Laissons L.-M. Poussereau raconter lui-même avec talent, dans une étude parue quelque temps avant sa mort, ce que fut cette école où il fit ses premières classes : 
« ... L'ancienne école de Creulle... était installée dans une vieille maison construite en torchis et couverte en paille... On accédait à cette bicoque par un chemin creux, raboteux en été et boueux en hiver, au bord duquel s'étalaient les fumiers des étables voisines... 
« Ce fut dans ce taudis sombre et malsain... que j'appris à lire au printemps de 1863, j'avais déjà presque huit ans. Mon père, brigadier forestier au poste de Buremond... n'avait pas jugé à propos de m'envoyer plus tôt à l'école. Il craignait pour moi de mauvaises rencontres, comme celles de sangliers blessés ou de loups affamés, ces animaux étaient alors nombreux dans les bois de cette contrée du Morvan... ».

Louis-Mathieu Poussereau

Le jeune Poussereau avait donc huit kilomètres à faire par les sentiers de la forêt pour aller en classe et en revenir. Son frère plus âgé était interne dans un collège de la ville.
Ce frère fut tué pendant la guerre de 1870-1871. Sur l'ancien monument aux morts érigé place Grillot, il y a le nom de Poussereau — 1848-1871.
Heureusement peu de temps après, son père est nommé à La  Machine, grande agglomération minière de plus de 3 000 habitants. L'enfant devint élève des Frères des Ecoles Chrétiennes fondées par la Compagnie des Mines. Les bâtiments nouvellement construits par cette Compagnie donnaient sur un place spacieuse, pleine d'arbres, située derrière l'église.

Le jeune Poussereau fut un très bon élève et obtint le Certificat d'Etudes avec des notes élogieuses. Il resta encore quelques années à l'école. En 1870, il en sortait, remportant tous les premiers prix. Le brillant élève qui, pour la distribution des Prix, avait été couronné par M. Busquet, directeur des Mines, fut remarqué par celui-ci. Quelques semaines après, le 22 août 1870, il entrait dans les bureaux de la Compagnie. Il avait à peine 15 ans. L.-M. Poussereau devait y rester jusqu'à sa retraite, qu'il prit le 1er mai 1921, avec plus de cinquante années d'activité.

Le jeune employé dut faire son travail consciencieusement. Mais il ne se contenta pas de ses heures de bureau. Depuis son jeune âge, il fut toujours avide de connaître, de s'instruire. Au Cercle des employés, il lut tous les livres de la bibliothèque. Il se tenait au courant des événements littéraires par la lecture de tous les journaux et revues qui étaient envoyés à ce Cercle. Parce qu'il avait le goût du dessin, ce qui l'intéressait le plus, c'étaient les catalogues et les comptes rendus des salons de peinture. A cette époque, il aimait le dessin et la peinture plus que la littérature. Il finit par connaître les noms des peintres qui exposaient, ainsi que leurs principales oeuvres. II avait surtout remarqué plusieurs tableaux d'un peintre nivernais : Hector Hanoteau. Il continuait de dessiner. Mais quoique doué, tout ce qu'il faisait était guindé, sans vie. Rien ne le satisfaisait. Il se rendait compte qu'il avait besoin de leçons. Mais à qui les demander dans ce pays, où seul le travail manuel compte ? 

En septembre 1878, il obtint une permission de huit jours afin de visiter l'Exposition Universelle. C'était son premier grand voyage. Il est probable que le Paris où l'on s'amuse ne l'intéressa pas du tout. Il aima mieux visiter les Musées. Sans doute vint-il dans la Capitale au moment du Salon annuel ? Il alla aussi chez les libraires et les bouquinistes des quais de la Seine, où il fit une ample provision de livres.
Il revint de ce voyage émerveillé. Ces huits jours passés à Paris le confirmèrent dans ses idées d'art et de littérature.
Son travail de bureau le reprit. Pendant ses loisirs, il se remit avec une volonté et une joie plus grandes à dessiner. Il dut aussi s'essayer à quelques poèmes et récits.

Un hasard bienveillant voulut qu'un jour il fit le portrait d'un vieux garde-chasse, le père Mitton. Celui-ci, en le remerciant, lui dit que c'était dommage qu'il ne connaisse pas un grand peintre habitant la région, M. Hanoteau.
Surpris, le jeune dessinateur lui demanda s'il connaissait ce peintre. 
« Je pense bien ! », lui répondit le garde, « j'ai été souvent à la chasse avec lui. J'ai même servi de modèle, avec d'autres chasseurs, pour un de ses tableaux ».
« Vous connaissez donc son adresse ? »
« Certainement. Il habite dans une de ses fermes à Briet, près de Cercy-la-Tour. L.-M, Poussereau hésite à s'adresser à ce grand artiste. Il se décide pourtant à lui écrire. Quelques jours après, il a la grande joie de recevoir une réponse, lui disant de venir quand il voudrait à Briet.

Son père, âgé, s'était retiré à Fours, commune située à côté de Cercy-la-Tour. Il va coucher chez lui. Et le lendemain, tout ému, il se présente au Maître. Il lui montre quelques dessins qu'il a faits. C'est convenu, le jeune Poussereau viendra prendre des leçons. Une amitié sincère se noua entre l'artiste et l'élève. Elle durera jusqu'à la mort du peintre nivernais survenue le 7 avril 1890.

Mais, si Poussereau se perfectionna, ses dons de dessinateur ne lui servirent qu'à illustrer les brochures et plaquettes qu'il publiera par la suite. Car, délaissant le dessin, il s'est mis à écrire, d'abord des poèmes, puis plus tard des récits.
C'est vers la trentaine qu'il eut la joie de voir imprimer son premier recueil de vers inspirés par le désastre de 1870-1871. S'il continua à rimer quelques poèmes, dont il publiera trois minces brochures, dont l'une sera préfacée par le grand poète nivernais Achille Millien, il se passionnera surtout pour l'érudition. Tout l'intéressera : Astrologie, Archéologie, Biographie, Sociologie, Histoire, etc. Tous ses loisirs seront consacrés à la « Chose Littéraire ». Une petite fenêtre donnant sur la cour des ateliers, restera éclairée très tard les soirs. Les dimanches, L.-M. Poussereau compulsera des documents, des archives dans les mairies, les presbytères, les châteaux et les bibliothèques. Ces divers travaux ne l'empêcheront pas d'être un employé, puis un Chef de Service modèle. Dans n'importe qu'elle tâche qu'il accomplit, il y met tout son coeur d'honnête homme.

L.-M. Poussereau eut la joie de faire connaissance avec le chantre du Nivernais, le poète Achille Millien, avec qui il correspondait depuis longtemps. Celui-ci vint le voir à plusieurs reprises à La Machine. Quand, sur le tard de sa vie, Achille Millien reçut enfin la Légion d'Honneur, L.-M. Poussereau organisa dans son logis une grande fête en son honneur.

Entre les années 1898 et 1914, il publiera de nombreux livres et plaquettes. La guerre de 1914-1918 arrêta cette intense production littéraire et scientifique. S'il continua à écrire, il ne fera plus rien publier avant 1925.
En 1917, il aura l'immense chagrin de perdre sa compagne aimée. Elle sera enterrée au cimetière de La Machine.
Ayant pris sa retraite en 1921, il se retira à Saint-Benin d'Azy, où résidait sa fille aînée, mariée avec le notaire du pays. Il aura maintenant le temps de se consacrer entièrement aux diverses études qu'il a en pensée. Il écrira certainement beaucoup et casera ses manuscrits dans des tiroirs.

C'est seulement en 1925, qu'il recommencera la série de ses nombreuses publications. Entre-temps de nombreux articles signés de son nom parurent dans les journaux et revues de la région.
Le 23 septembre 1928, L.-M. Poussereau organisa en collaboration avec Fanchy, le fin poète patoisant et Pierre Chambon, le comédien poète, une fête en la mémoire de Rosa Bonheur, l'immortelle artiste, auteur du tableau « Labourage nivernais ». Dans la magnifique allée du château de la Cave, près de Beaumont-Sardolles, des discours furent prononcés, des poèmes furent dits et un A-Propos : « Rosa Bonheur en Nivernais » de Fanchy et Chambon, fut interprété par une troupe d'amateurs, dirigée par ce dernier. L'Harmonie des Mines de La Machine prêta son concours à cette magnifique festivité.

Avec M. Horace Busquet, directeur des Mines, il avait organisé le Musée des plantes fossiles trouvées dans le Bassin houiller de La Machine. Il l'avait enrichi chaque année de nouvelles trouvailles. Une étude très détaillée en avait été faite. Il exerça ses talents de dessinateur pour reproduire les plantes fossilisées. Cette étude ornée de 24 planches reproduisant toute la flore carbonifère du sous-sol de cette région a paru quelques mois après sa mort dans la Revue « L'année Nivernaise » de 1931.
L.-M. Poussereau fit aussi de nombreuses conférences très applaudies en Sorbonne, à Lille, Chalon-sur-Saône, Dijon, Nevers, etc.
Il avait beaucoup de projets littéraires, quand soudain, il dut s'aliter. Après une longue et douloureuse maladie, il s'éteignait le 24 décembre 1931. Il avait demandé à être enterré à La Machine, à côté de sa femme, née Jeanne-Marie Lardreau (1861-1917).
L.-M. Poussereau était membre de nombreuses sociétés littéraires, scientifiques et artistiques, dont celle du Nivernais et du Vieux-Clamecy. Officier d'Académie, il avait été nommé Correspondant du Ministère de l'Instruction Publique.
L.-M. Poussereau était un poète, un rêveur, mais aussi un homme d'étude, un travailleur infatigable. Après la longue journée passée dans un bureau - la loi de huit heures n'existait pas en ce temps-là, pas plus que le week-end - il faisait une courte promenade dans les sentiers de la forêt des Minimes. Ensuite il rentrait dans son logis situé dans un grand bâtiment à droite de l'entrée des bureaux et des ateliers de la Compagnie des Mines. La petite pièce où il avait ses livres, ses documents et sa table de travail, l'attendait. Dans le calme d'une solitude bénie, il y écrivait, d'une fine écriture, ses poèmes, ses biographies, tout un important travail d'érudition.

Quand je travaillais aux Mines de La Machine, je me souviens l'avoir rencontré dans ses promenades quotidiennes. Il était presque toujours seul. Comme une unique photographie que l'on regarde souvent, pourquoi cette scène émerge-t-elle de ma mémoire ? 
C'est l'hiver. Un homme petit de taille, une canne à la main, chemine lentement dans un sentier de la forêt. Il est vêtu d'un pardessus et un grand cache-nez multicolore est entouré autour du cou. Il marche, pensif, rêveur. Ses yeux, par instants, regardent à travers les arbres dépouillés, des choses que lui seul aperçoit. Son corps est là, mécanique, projetant les pieds qui font craquer les feuilles mortes, mais sa pensée est loin, très loin. Des idées surgissent dans son cerveau. Elles vont mûrir, pour tout à l'heure, en rentrant, s'inscrire sur la feuille blanche qui l'attend...

Louis-Mathieu Poussereau a toujours été un travailleur patient, laborieux. Il s'est trop éparpillé pour avoir eu le temps de vraiment approfondir tous les vastes sujets, dont il s'est inlassablement occupé. Il a défriché pour les chercheurs des générations à venir. On ne pourra guère parler du Nivernais sans avoir recours à ses nombreux travaux d'érudition.

Achille Millien a dit de son ami :
« M. Poussereau, dont l'exemple est à citer, n'a jamais reçu dans nos écoles que l'instruction primaire. Il ne doit qu'à luimême, à son désir d'apprendre, à son amour de la science et des belles-lettres, à son travail assidu et persévérant, les connaissances solides et variées dont il a orné son intelligence... ».
L.-M. Poussereau se proposait de faire paraître des études sur La Machine, les fouilles du château de Barbarie, l'historique de la baronnie de Druy et de l'ancien Archiprêtré de Thianges, etc. 
Il avait classé une nombreuse correspondance que lui avait adressée de hautes personnalités littéraires, scientifiques et politiques.

En plus du parfait homme de lettres et de sciences, il était bon, loyal, généreux. Sa grande timidité l'avait rendu quelque peu taciturne. Il s'exprimait mieux devant une page blanche que devant un auditoire.
Le Nivernais peut être fier de graver son nom au fronton des illustres enfants du pays.
Mais y a-t-il seulement dans quelques villes et villages de notre petite patrie un boulevard ou même une rue L.-M.-Poussereau ?
La Machine s'est grandement honorée en donnant le nom de cet écrivain à l'une de ses rues.

Bibliographie des oeuvres de Louis-Mathieu Poussereau
1886 — Les martyrs de la Loire. — Poème — (Brochure)
1888 — Formation du terrain houiller de La Machine (Nièvre). (Brochure).
1891 — Rayons de printemps. — Poesies. — (Plaquette). Issoudun, Imprimerie Motte. 
1891 — Histoire de Decize et de ses environs. — (Brochure). Issoudun, Imprimerie Motte.
1896 — Au bord de la Loire en Nivernais. — (Brochure). Nevers, Imprimerie Vallière.
1897 — Essais poétiques. — Préface d'Achille Millien. — (Plaquette). Nevers, Imprimerie Vallière.
1897 — Histoire des Comtes et des Ducs de Nevers, précédée d'une étude historique de Nevers. — Nevers, Imprimerie Vallière.
1899 — Souvenirs de Briet — Hector Hanoteau — (Brochure Nevers, Imprimerie de la Nièvre.
1901 — Les Houillères de La Machine. — (Brochure). Nevers, Vallière imprimeur.
1905 — Thaix et les mémoires de Mademoiselle des Echerolles. (Brochure). — Nevers, Vallière imprimeur
1906 — Fouilles du vieux château de Barbarie (en collaboration avec M. de Saint-Venant) — (Brochure) Paris, Imprimerie Nationale
1910 — Histoire du Maréchal Lannes. — Préface d'Achille Millien. Nevers, C. Vallière, éditeur.
1912 — Gaston Gauthier, notice nécrologique. Brochure) Nevers, Imprimerie Vallière.
1925 — Le général Sorbier, ancien camarade de garnison de Napoléon. (Brochure). — Nevers, Imprimerie de la Nièvre.
1925 — Rosa Bonheur en Nivernais. — (Brochure). Imprimerie Roslay, Vincennes.
1926 — Changements survenus depuis cinquante ans dans les conditions des domestiques de ferme et des ouvriers agricoles dans la région des Amognes. (Brochure) — Nevers, Imprimerie de la Nièvre.
1926 — Changements survenus depuis cent ans dans la condition générale des ouvriers de la Houillère de La Machine. — (Brochure). Imprimerie Nationale.
1927 — Changements survenus depuis un siècle dans la condition des bûcherons et des ouvriers forestiers du département de la Nièvre. (Brochure). Clamecy, Imprimerie Laballery-Brunet.
1927 — Un serf nivernais Chancelier de la Toison d'Or, (Plaquette). Imprimerie de la Revue du Centre.
1928 — Un Duc de Nevers, partisan du quiétisme et apologiste de Fénelon. (Brochure). Clamecy, Imprimerie Laballery-Brunet.
1998 — Histoire de Decize. (Plaquette). Editions des Cahiers du Centre.
1929 — Bussy-Rabutin est-il nivernais ou bourguignon ? (Brochure). Clamecy, Imprimerie Laballery-Brunet.
1931 — La carrière d'un officier français en Algérie. Le général A. Hanoteau (1814-1897). (Brochure). Editions Riéder, Paris.
1931 — Souvenirs de Rosa Bonheur. (Brochure).
???? — Les astres selon la science. — (Dépliant). Paris, Imprimerie Fraillery.

Principaux articles parus dans les revues
1900 — Houillères de La Machine. — Revue du Nivernais.
1911 — Deux anciens Prieurés Nivernais : Moûtiers-en-Glénon et Varennes-en-Glénon. Bulletin de la Société Nivernaise des Lettres, Sciences et Arts, tome 14 - 3e série - 1er fascicule.
1925 — Lettre. — Séjour de vacances recommandés à Saint-Benin-d'Azy et à La Machine. Revue du Centre. Juillet-Août.
1926 — L'industrie sidérurgique en Nivernais. Revue du Centre. — Mai-Juin.
1927 — La petite tête de mort du portrait de Marie de Bourgogne, L'année Nivernaise.
1927 — Le trésor du château de la cité de Barbarie. Revue du Centre — Novembre-Décembre.
1928 — Un curé de La Machine ami de Napoléon. — 3 février.
1928 — Souvenirs de Rosa Bonheur. Revue du Centre. — Mars-Avril
1928 — Rosa Bonheur et l'Impératrice Joséphine. L'année Nivernaise.
1929 — Souvenirs de la fête de Rosa Bonheur. L'année Nivernaise.
1929 — Louis Simonet. — (Etude). L'année Nivernaise.
1931 — Biographie de François Rouault, né à Saint-Benin-d'Azy. Revue du Centre. — Novembre-décembre
1931 — L'emplacement d'une construction Gallo-Romaine, d'un édifice religieux du Moyen Age et d'un village nivernais disparu. L'année Nivernaise.
1931 — Flore du Bassin Houiller de La Machine. L'année Nivernaise. — 24 planches.

Etudes sur Louis-Mathieu Poussereau
1931 — Fanchy. — Une belle vie nivernaise : Louis-Mathieu Poussereau. Nevers, Imprimerie de la Nièvre.
1955 — Louis Lanoizelée. — Louis-Mathieu Poussereau. Nivernais-Morvan. Numéros 102 et 103. — Juin-Juillet — Août-Septembre.

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