Au pays des "gueules noires", si on pouvait penser que l'ancienne cité minière pouvait risquer d'être victime d'effondrements, bien peu auraient imaginé que son plus grand ennemi puisse être le feu. Il sévit pourtant depuis quelques mois sous le stade Marcel-Jandot, semant la destruction sur son passage.
"Le terrain noir" qui avaitmauvaise réputation chez les footballeurs, les transformant en quelques minutes en charbonniers, est en grand péril et n'y voyons pas de jeu de mots. Le feu couve en son sein, le menant sans doute à une destruction totale et balayantlentement plus de quarante années d'activités sportives du club local d'athlétisme.
Outre cet aspect, il pose un problème presque insoluble quant à son extinction, d'autant qu'une action judiciaire est actuellement en cours pour déterminer les responsabilités au sujet de sa naissance. Qui va payer ? c'est la question que chacun se pose. Pendant ce temps, le stade se meurt et le feu gagne du terrain.
Sur un étang remblayé...
A l'origine, le site du stade Marcel-Jandot était un étang. L'étang du Pont-de-la-Barre, qui donna d'ailleurs certainement son nom au puits Sainte-Barbe, dont les vestiges subsistent près du stade. C'est entre 1930 et 1934 qu'il fut comblé par des résidus d'après lavage et triage issus des lavoirs no2 du Pré-Charpin. Ces produits de remblais sont donc constitués en moyenne de 70% de schistes et de 30% de houille. On comprend mieux pourquoi ça brûle.
Le stade est donc en quelque sorte un terril horizontal de près de 10 mètres d'épaisseur à certains endroits et tout feu doit être proscrit sous peine de déclencher une combustion qui dure souvent longtemps.
Phénomène bien connu
Tous les pays miniers sont au fait des feux de terrils. Et l'histoire machinoise ne manque pas d'exemples ! Un vieux mineur, René Leick, féru d'histoire machinoise, nous a cité celui des Buttes de Fond-Judas vers 1870, d'une telle importance que les dégagements de fumées créés incommodaient par vent de nord-est les habitants de Decize, voire même ceux d'Avril-sur-Loire.
Plus près de nous, celui du parc à bois près du Pré-Charpin subsiste dans les mémoires pour avoir brûlé pendant trois ans. "On a souvent vu le feu dans les buttes" précisait Jean Gribet, un autre ancien mineur. "Parce que de strictes dispositions avaient été prises (Pas de feu et pas de dépôt de cendres à proximité), le dernier terril en exploitation aujourd'hui disparu n'a jamais brûlé."
De quoi étayer la thèse selon laquelle ce serait un feu malencontreusement allumé par les agents de la société à proximité pour brûler des déchets, qui aurait déclenché la combustion des schistes. Cette entreprise, installée juste à côté du stade, exige, et on la comprend, des preuves de sa culpabilité.
Mais les plus coupables ne sont-ils pas ceux qui ont laissé s'implanter une entreprise à cet endroit à haut risque ? La loi de décentralisation n'était alors pas promulguée et la municipalité en exercice à cette époque n'a pas eu son mot à dire. Et puis qui aurait pu penser...
Créé en 1948
C'est à partir de 1948 que les remblais entassés se transformèrent en stade. Ce sont donc les élèves mineurs du centre d'apprentissage - qui abrite maintenant la mine image - qui ont construit un anneau de 333 mètres et une modeste tribune. L'un des principaux artisans fut Marcel Jandot qui devint plus tard le président de l'UFM athlétisme, et c'est pour honorer sa mémoire que le stade porte désormais son nom.
Après avoir donné beaucoup de fil à retordre aux géomètres des houillères, nivellement oblige, la piste fut opérationnelle vers les années 50-51. C'est de 1966 à 1968 qu'elle fut agrandie et mise en conformité avec les règlements FFA. La piste développe donc actuellement 400 mètres.
La combustion des remblais se matérialise de façon bizarre. En fait l'aspect spectaculaire réside dans l'ampleur des dégâts. Car on assiste d'une part à des dégagements de fumée par intermittence, rappelant le système des geysers. Ces dégagements gazeux sont d'autre part surtout gênants par leur odeur.
Ce sont donc ces remblais qui se consument sous le stade et, par pyrolyse, s'auto-échauffent puis s'enflamment sous couvert, et ce phénomène est accru par la forte teneur en soufre (d'où les odeurs) qui caractérise la composition chimique de la houille machinoise.
Impossible donc de circonscrire l'incendie par l'eau, puisque celle-ci au contact des anhybrides sulfureux et sulfuriques, forme des acides du même nom, réagissant alors en chaîne avec exothermie (il s'agit du dégagement de chaleur résultant de la réaction chimique d'un mélange de produits) qui accélèrent alors la combustion.
D'autre part, la ligne d'arrivée de la piste s'est complètement effondrée tout comme la piste d'élan de saut en longueur alors que le bacà sable semble subir une révolution. Des crevasses se sont creusées dans le sol et la tribune s'est ouverte, comme sciée en deux. Le secrétariat du club, fracturé à sa base, laissant apparaitre une énorme fente, se comporte comme si un géant allait en un tour de main le renverser.
Toutes ces manifestations naturelles sont l'illustration du feu gigantesque régnant sous terre, qui s'est emballé d'ailleurs à l'automne, depuis que les précipitations atmosphériques sont revenues conformes à la normale. Il y a de quoi être inquiet avec les chutes de neige des semaines passées, et l'urgence d'une intervention n'est plus à démontrer.
Quelques trente ans plus tard ...
Fin novembre 2019, la municipalité de La Machine a constaté que le stade Marcel-Jandot ne se consumait plus en sous-sol depuis deuxans. Elle a donc décidé de réhabiliter la piste pour y accueillir de nouveau le club d’athlétisme et les scolaires.
... Et dix-sept ans de procédure
La municipalité avait intenté une action en justice contre la scierie Sobic (qui n’existe plus depuis de nombreuses années). Elle accusaitcette dernière d’être à l’origine de ce phénomène, en raison d’un incendie qui serait survenu dans son enceinte et se serait propagé dans le sous-sol du stade. L'entreprise a toujours clamé son innocence.
Après plusieurs rebondissements et dix-sept ans de procédure, la municipalité avait été déboutée. L'affaire lui a coûté cher puisqu’elle a dû verser 81.658 € pour couvrir les frais d’avocat et les trois expertises successives. À cela s’est ajoutée la note de la destruction de la tribune et d’un bâtiment préfabriqué qui menaçaient de s’effondrer.
(Article du JDC, 28 décembre 1990)
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